
Langues de Bretagne
Une Bretagne trilingue
On ne parle pas simplement breton ou français en Bretagne. Dans l’est de notre région subsiste une autre langue, le gallo.

Le recul du breton
Sur la carte ci-dessus remarquez qu’au 9e siècle le breton couvrait pratiquement tout l’ancien duché de Bretagne (trait rouge de droite). On parlait breton de la baie du Mont-Saint-Michel à l’embouchure de la Loire. On retrouve encore de multiples noms toponymiques bretons dans les marais de Guérande ou dans l’est des Côtes d’Armor ou en Ile-et-Vilaine. Nous trouvons une plage appelée Pen Guen à St Cast-Le Guildo (Pen Gwenn: la tête blanche ou la pointe blanche) et la rivière qui passe à Plancoët s’appelle Arguenon, du breton Ar Gwenn Aon: la rivière blanche… etc. On pourrait donner de nombreux exemples.
De nos jours seule la partie ouest parle breton (trait rouge de gauche)
La carte montre aussi les différents dialectes.

Les pays
Les différents pays bretons (pays = bro en breton) montrent le morcellement linguistique de la Bretagne. Chaque pays a son dialecte (breton ou gallo). Il existe même des variantes à l’intérieur d’un pays.
Les 4 pays bretonnants forment ce qu’on appelle la Basse-Brtagne ou Breizh Izel en Breton. Ce sont:
le Léon
le Trégor
la Cornouaille
le Pays de Vannes
Les 5 pays non bretonnants (Haute-Bretagne ou Breizh Uhel) sont:
le Pays Nantais
le Pays Rennais
le Pays de Dol
le Pays de St Malo
le Pays de St Brieuc appelé aussi Penthièvre.

Le gwen ha du
Le Gwenn Ha Du symbolise le pluralisme liguistique de la Bretagne. Chaque bande horizontale représente un pays (bro en breton). Les 4 bandes blanches représentent les 4 pays bretonnants et les 5 bandes noires les 5 pays gallos.
Dans le canton supérieur gauche sur fond blanc il y a généralement 11 hermines. Je dis généralement parce que leur nombre n’est pas officiellement fixé et n’a pas de signification particulière. Le nombre 11 a été surtout choisi par soucis d’esthétique.
Ce n’est pas un drapeau historique mais un étendard moderne créé en 1925 par Morvan Marchal et inspiré des drapeaux américain et grec. Depuis il a été adopté par tous comme le drapeau de la nation bretonne.
Pas un breton mais des bretons
Si le breton est une seule et même langue celtique il en existe plusieurs dialectes différents suivant les régions. Sur la carte du recul du breton on peut voir les différents dialectes parlés en Bretagne. Si vous regardez la partie bretonnante vous pouvez vous rendre compte de la diversité des parlers. Parfois ils sont si différents (plus dans l’accent et la prononciation que dans le vocabulaire) que les gens ne se comprennent pas et ont recours au …. français.

Voici un exemple à partir du mot bloaz (un an) qui s’écrit même différemment en Vannetais et a plusieurs prononciations différentes selon les lieux.
Le breton appris actuellement par les enfants dans les écoles Diwan ou dans les classes bilingues de l’enseignement public ou privé est un breton unifié, littéraire. Leurs grands-parents ne les comprennent pas et ont souvent l’impression qu’on trahit le breton de leur enfance. D’autant plus que souvent les jeunes parlent breton avec l’accent français, ils ne respectent pas bien l’accentuation particulière du breton (par exemple l’accent très marqué sur la pénultième syllabe)
Le vannetais est particulier. Il est truffé de mots d’origine romane et sa prononciation de certains mots s’apparente plus au gallo qu’au breton. Les linguistes ont eu beaucoup de mal à l’intégrer dans le breton unifié.
Vous trouverez un article très complet sur les différents dialectes bretons dans Wikipedia en suivant le lien ICI
Pas un gallo mais des gallos
Comme le breton le gallo est une LANGUE. Comme le breton elle a plusieurs dialectes parlés selon les régions. Comme le breton c’est une langue en danger, encore plus en danger parce qu’elle ne bénéficie pas de l’aura d’un Stivell ou d’un Dan Ar Bras. Plus en danger parce que romane et comme telle souvent considérée comme un patois, un français déformé, parlé par des incultes. Encore plus en danger parce que c’est avant tout une langue de paysans. C’est une langue dont l’essentiel de la richesse tient à la campagne et la vie de la ferme. Il y a de moins en moins d’agriculteurs et ceux-ci labourent avec des tracteurs équipés de GPS. Le vocabulaire gallo est souvent devenu obsolète, comme les outils qu’il nommait. Encore plus en danger parce qu’il n’y a pas, ou bien peu, de tradition écrite (pas de P-J Hélias en gallo).

L’article de Wikipedia consacré au gallo se trouve ICI
La Bretagne, terre de diversité

La carte de gauche, parue dans le Télégramme avec des dessins de NONO montre la diversité des « tribus » bretonnes. Chaque coin, chaque pays, a ses coutumes, ses costumes, son parler. Souvent des rivalités comiques opposent chaque village. On attribue des surnoms, souvent péjoratifs, à ceux d’à-côté qui sont bien sûr moins bien que nous.
Les rivalités s’accentuent en bordure de frontière linguistique. Pas seulement entre pays bretonnant et pays gallo mais aussi aux frontières entre les différents dialectes.

Pourquoi ces langues ont-elles peu à peu reculé et parfois disparu?
Il me semble que les raisons ne sont pas les mêmes pour les deux langues.
Pour le breton

C’est ce qui arrive à toute langue d’un pays conquis dont l’envahisseur a la volonté de marquer sa domination en imposant sa langue et ses coutumes.
On remarque le même processus dans les autres pays celtes, en particulier en Irlande, au Pays-de-Galles ou l’anglais a été imposé au détriment de la langue locale (gaélique et gallois) par l’envahisseur anglais, encore plus en Ecosse où la langue d’origine a été complètement éradiquée de la vie quotidienne.
C’est bien sûr le cas de beaucoup d’autres pays qui ont subi une invasion dans leur histoire.
Le breton a été condamné (pas à mort mais à subir la domination) quand Anne de Bretagne est devenue reine de France. Sa condamnation à la peine capitale est venue plus tard, de l’état français jacobin qui a envoyé ses instituteurs interdire de parler breton à l’école et imposer le français dans chaque démarche administrative.
Ce processus centraliste et uniformisateur est loin d’être mort. Pour certaines personnes (surtout très à droite) le breton est une sous-langue comme il y avait des sous-hommes pour certains autres. Tout juste bonne pour le folklore. C’est là que l’aspect péjoratif culturel rejoint le gallo.
Pour le gallo
Pas de volonté de supplanter la langue d’un pays conquis puisque le gallo n’a jamais été considéré comme une langue par les autorités. Pour l’état jacobin le gallo est un patois qu’il faut éradiquer non pas parce qu’il est la marque d’un pays que l’on a vaincu mais parce qu’il est la marque d’un manque d’éducation. Hors, en dehors d’affirmer la conquète, le pouvoir jacobin veut faire preuve d’éducation. Et la seule éducation qui vaille est la sienne. On ne peut tolérer que des gens parlent si mal le français. Parce qu’ils pensent que c’est du français! Dans les classes du pays bretonnant on interdit de parler breton et on APPREND le français. Dans les classes du pays gallo on CORRIGE le français de ces gens mal éduqués et on estime que c’est pour leur bien.
Cette vision du gallo est loin d’être morte également. Pour la plupart cela reste le patois de gens qui ne sont pas suffisamment allés à l’école pour apprendre le français correctement. Parler gallo c’est être un plouc, un inculte, quelqu’un qui appartient au passé.

Le processus d' »intégration » d’un pays conquis, admirablement maîtrisé par les Romains dans l’antiquité, est généralement le suivant:
1) victoire militaire ou politique
2) Obligation de parler la langue du vainqueur pour toute démarche administrative, toute demande, tout recours à la justice.
3) « Aider » la population en l’obligeant (pour son bien!) à apprendre la nouvelle langue officielle et la faire peu à peu abandonner sa langue barbare

Plaidoyer pour 3 niveaux de langues
Dans un pays moderne, ayant un enseignement efficace et le respect de toutes les identités le composant, il devrait y avoir 3 niveaux de langues:
1) Une langue locale ou régionale dans le respect des traditions qui doit être transmise et donc enseignée
2) La langue nationale qui permet les échanges à l’intérieur du pays et le sentiment d’appartenir à une communauté nationale.
3) Une langue internationale qui (on peut le regretter mais c’est ainsi) est l’anglais.
Bien sûr on peut fort bien ne pas avoir un des 3 niveaux. En particulier il n’est pas sûr qu’un parisien de vieille souche (si cela existe) ait besoin de parler une langue régionale. De même que si on n’a pas envie d’apprendre une langue régionale même si on vit dans la région ce n’est pas une obligation. C’est surtout un gage de respect et de tolérance. Quelqu’un qui dit que le breton est juste bon pour le folklore et doit disparaître, même si cette personne a une origine bretonne, elle ne vous respecte pas, elle ne respecte pas le désir que vous pouvez avoir de vivre selon votre tradition, ce qui ne gène que les racistes et les intolérants.
Il ne faut pas oublier également que l’apprentissage de toute langue est une aide pour apprendre une autre langue. Une des difficultés rencontrée par les profs de langue est de faire comprendre aux élèves qu’une langue n’est pas le calque d’une autre. Il ne suffit pas de traduire des mots pour passer d’une langue à l’autre. Un enfant bilingue sait cela d’instinct et gagne un temps fou dans l’apprentissage d’une langue nouvelle.
